Il y a quelques mois, j’ai rencontré deux grands passionnés d’artisanat et de beaux produits, Akshat Jain et Varvara Maslova, fondateurs de la marque 100Hands, marque produisant uniquement des chemises. 100Hands propose des produits uniques sur le marché – tant en terme de confection que de matières. Au terme d’un long et passionnant entretien avec Akshat et Varvara, j’ai décidé de partager avec vous l’histoire de la marque et les étapes de confection des chemises en atelier (c’est l’article du jour) avant de voir en détails une chemise (ce sera le sujet d’un second article, à venir).



Aujourd’hui, donc, je vous propose une longue interview où nous abordons l’histoire de la marque, mais également quelques étapes de la confection d’une chemise, l’usine en Inde, et les perspectives de la marque.

Une histoire de famille

Be What You Wear : Pourquoi avez vous lancé votre marque 100hands ?

100Hands : Nous avons lancé notre marque afin de partager notre passion pour les chemises auprès du grand public. Jusqu’à aujourd’hui, nous avons travaillé en coulisses, très durement, afin de développer quelque chose de très particulier et pour donner à notre famille et à notre entreprise une nouvelle identité.

Hand Sewn Monogram LD

BW-YW : Justement, pouvez-vous nous parler de votre famille ? Qui travaille pour 100 hands et quand avez vous commencé ?


100H : La famille de 100 hands est dans l’industrie textile depuis six générations. Historiquement, la famille était concentrée dans le domaine de la filature (la production du fil et son commerce). Nous avons commencé à produire des chemises il y a 20 ans, dans un petit atelier, pour nos familles et notre cercle d’amis qui en appréciaient la qualité. Grâce au bouche à oreille, nous nous sommes agrandis et nous avons commencé à avoir des partenariats avec les plus prestigieuses boutiques au monde, incluant quelques tailleurs traditionnels comme Chittleborough & Morgan ou Edward Sexton, à Savile Row, Londres – l’une des rues de tailleurs les plus importantes au monde.


Nous avons fondé la marque 100Hands à Amsterdam au début de l’année 2014. Nous souhaitons montrer au grand public que le tailoring traditionnel, et surtout l’artisanat et son incomparable qualité sont toujours disponibles pour celles et ceux qui en sont passionnés.

100hands LD

BW-YW : Chez vous, le souci du détail est poussé à l’extrême, pourquoi ?


100H : Nous sommes une famille de passionnés : ma mère, en particulier, était très soucieuse de la manière dont elle s’habillait et de la manière dont ses vêtements, notamment, étaient confectionnés. Notre but était simple, si nous voulions aller dans la production de chemises, nous souhaitions produire les meilleures chemises disponibles sur le marché, ou ne pas les produire du tout.


BW-YW : Et comment vous y êtes vous pris pour produire “les meilleures chemises” ?


100H : Cela nous a pris beaucoup de temps de recherche et de travail dur. Durant plusieurs années, nous avons passé en revue des centaines d’autres chemises pour comprendre quels étaient leurs atouts et ce qui procurait une bonne qualité à une chemise. Honnêtement, au début, nous souhaitions simplement atteindre les mêmes critères que ceux des meilleures chemises que nous avions trouvées sur le marché. Cependant, peu de temps après, nous avons réalisé que pour aller de l’avant, nous devions créer nos propres critères de qualité. Cela nous a pris du temps pour y arriver, bien entendu. Par exemple, nous ne sommes pas tant portés sur le travail à la main, comme beaucoup d’entreprises ou de tailleurs savent le faire, mais plutôt sur la précision et la finesse avec laquelle nous faisons confectionner nos produits. Nous prenons beaucoup plus de temps de production pour une seule pièce de chemise, un temps parfois équivalent à celui qui est nécessaire pour la confection d’un costume.

manches 100hands

BW-YW : Quels ont été les principaux obstacles à la production de ces chemises ?


100H : Nous en avons rencontré un grand nombre : l’un des principaux, c’est celui d’avoir des tailleurs compétents avec le bon état d’esprit. C’est la qualité du produit qui sort de l’usine qui est la clé du succès d’une entreprise. Or, nous souhaitions proposer une qualité de produit vraiment supérieure, nous avons donc mis du temps avant de trouver les employés dont nous avions besoin. Finalement, la passion que nous avons mise dans notre travail a fait la différence et nous avons commencé à avoir des consommateurs très loyaux. Les meilleures chemises de ces clients particulièrement fidèles provenaient de chez nous.

LD sewing

One shirt, 100 hands

BW-YW : Je souhaiterais que vous nous parliez de votre usine, située en Inde. Pourquoi ce choix ?


100H : Nous sommes une marque basée à Amsterdam, mais nous possédons 100% de notre usine en Inde, qui est gérée par la famille. Mon frère s’occupe de l’aspect production. Pour 100Hands, il est très important de ne rien sous-traiter à l’extérieur, car il est difficile d’obtenir un niveau constant de qualité (telle que nous l’avons définie).


Notre usine n’est semblable à nul autre dans le secteur du textile. En effet, l’Inde a un climat chaud durant la majeure partie de l’année. Par conséquent, tout l’atelier est équipé d’air conditionné, afin qu’il n’yait aucune particule de poussière à l’intérieur. Il est également important que nos employés ne soient pas en sueur, notamment aux mains, afin de protéger les matières et les chemises.


Nota : nous avons longuement discuté de la confection en Inde. La marque ne souhaite pas obtenir de label “fair trade”, ou autre label éthique, considérant que ce type d’argument marketing n’est pas intéressant, au vu de la qualité des produits. Les employés sont néanmoins particulièrement bien traités, tant à l’intérieur de l’usine, qu’à l’extérieur (les femmes disposent par exemple d’un bus à leur disposition).


Le peuple indien a pendant longtemps eu recours à l’art de la couture et de l’artisanat (on pourrait remonter à des centaines d’années avant notre ère). Les artisans indiens possèdent en effet de grandes compétences pour coudre à la main et broder de manière extrêmement fine et précise. Aujourd’hui encore, certaines des pièces les plus chères de la haute couture sont produites en Inde – et ce n’est pas pour des raisons de coût mais bien pour la qualité.


Nos tailleurs ont au minimum 12 d’expérience, après lesquels nous les formons pendant des mois, à notre manière, avant qu’ils ne commencent à produire un seule morceau de chemise.

factory station

BW-YW : Peut-on dire qu’il est moins cher de produire en Inde ?


100H : C’est un mythe pour ce type de produit de qualité. Il est juste de dire que les salaires en Inde sont plus bas qu’en Europe de l’Ouest, mais pour des salariés qualifiés, tels que nous les employons, la différence est de plus en plus faible, d’année en année. De fait, les salaires des bons tailleurs sont équivalents aux salaires des ouvriers portugais ou polonais, pays dans lesquels une grande partie de la production textile est réalisée aujourd’hui. En vérité, la majeure partie des coûts est constituée par le temps nécessaire à la production d’une seule chemise.


Nous prenons en effet d’une journée et demie à trois jours, en moyenne – suivant le type d’assemblage – pour une seule chemise, ce qui rend notre coût par chemise bien plus grand que n’importe quel fabricant de chemise en Italie.


BW-YW : À titre personnel, y a t-il une pièce que vous préférez ?


100H : Je préfère les chemises les plus classiques, comme la chemise en coton Sea Island blanche, car la chemise la plus simple met vraiment en avant le travail à la main.


BW-YW : Y a t-il des détails présents sur vos chemises dont vous êtes particulièrement fiers ?


100H : L’une des tâches sur laquelle nous passons le plus gros de notre temps est de faire correspondre les motifs (carreaux, rayures) à la main. Nous faisons correspondre les motifs des différentes parties (aux épaules par exemple) puis cousons le tour de la chemise à la main (note d’Adrien : nous verrons cette partie technique au prochain article). La chemise est donc cousue deux fois, d’une certaine manière. Nous ne connaissons aucune autre marque qui le fasse ; d’abord et avant tout parce que nous le faisons pour des raisons esthétiques, et que la plupart des entreprises considèrent qu’il y aurait trop de perte de production pour ce type de finitions.

LD mother of pearl

BW-YW : Nous nous sommes attardés sur les détails de vos produits, mais quels seraient les critères fondamentaux pour trouver “LA” bonne chemise ?


100H : Nous savons tous que le prix ne définit certainement pas la qualité. La qualité provient de différents facteurs : la matière, et la confection notamment. Par ailleurs, les personnes qui apprécient les traditions et l’artisanat préféreront le processus et les finitions de la chemise, alors que d’autres préféreront le nom de la marque.


Nous sommes un peu obsédés par l’artisanat. On ne fait pas seulement que coudre à la main les différentes parties de la chemise, nous faisons tout à partir d’éléments dessinés, en coupant chaque pièce de manière individuelle (partie par partie), puis nous collons, etc. Ces étapes, réalisées à la main – et seulement à la main, les clients ne les voient même pas à la fin, mais clairement, cela apporte une grande qualité de confection à la chemise.


BW-YW : À propos de vos clients : qui sont ils et dans quelles régions du monde se situent-ils ?


100H : Avec notre marque, nous travaillons beaucoup aux Pays-Bas, en Angleterre et en Belgique. Depuis peu, nous trouvons de l’intérêt de la part de boutiques en France et en Allemagne également.


Parmi nos partenaires, nous pouvons citer : PAUW Mannen, Montulet, Tenue de Nimes, Lutz, Jurgen Langezaal aux Pays-Bas, Edward Sexton, Chittleborough & Morgan à Londres, et Boyen Men et Dierickx Fashion en Belgique.


BW-YW : Pour finir, quels sont vos projets pour le futur ?


100H : Nous n’avons toujours eu qu’un seul projet, et il restera le même, pour 100hands : produire les meilleures chemises confectionnées à la main possibles. Nous aimerions développer l’entreprise en pénétrant notamment le marché français et scandinave.


Je remercie très chaleureusement Akshat qui s’est gentiment prêté au jeu de l’interview pour partager avec nous l’histoire de sa marque et ses connaissances en matière d’artisanat. Nous publierons très bientôt un article plutôt porté sur l’aspect technique de ces “meilleures chemises au monde”. Nous espérons au passage tordre le cou à quelques idées arrêtées sur la confection et les finitions d’une chemise.


Adrien
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