Aujourd’hui, un article un peu particulier, puisque nous avons collaboré avec la blogueuse Anna Tai, de Die Annakonda pour vous présenter un sujet très particulier, et relativement contemporain : la mode unisexe. On pense avoir deux ou trois choses à vous apprendre au passage, alors gardez l’esprit ouvert, et allons- y !
Elle au masculin, il au féminin, qu’en est-il de la mode unisexe ?
Ce mouvement, on le doit tout d’abord à Ted Lapidus, le premier designer français à avoir instauré le ‘style uniforme’ ou ‘esprit unisexe’ lors de ses défilés. Rad Hourani, lui, le lance en 2013 en Couture. Or, la distinction homme/femme a depuis toujours été très soulignée, que ce soit niveau couleurs, formes, disciplines, goûts et j’en passe. Il y a un rayon homme et puis un rayon femme, ce qui paraît plutôt logique à première vue mais si l’on vient à l’unisexe… un petit chamboulement s’impose, comme dans le grand magasin londonien Selfridges où tout un étage était dédié à l’ « A-Gender ».
Vous est-il déjà arrivé de piocher dans les affaires de votre conjoint(e) ? Eh bien, demandez vous pourquoi. Alors oui, c’est pratique et même s’il arrive plus souvent à la gente féminine de se servir chez l’homme, tout n’est pas qu’une question de mode à proprement parler.
Le bleu va à l’homme ce que le rose va à la femme, le pantalon est pour lui et la robe pour elle, tant de normes, tant de règles, et aujourd’hui, pourquoi pas les enfreindre ? Entre le mix & match de couleurs insensées, les tenues farfelues avec combinaison de pièces inattendue, la Fashion Week est un nid à styles innovants, autant en street style que chez les designers. Pourquoi pas s’en inspirer ?
Face à ce blocage psychologique, il est certain que croiser tous les hommes en robe une fois sorti de chez soi serait quelque peu déroutant. Cependant l’histoire, la culture d’un pays, la société, font que certaines choses sont plus acceptables que d’autres, ou du moins, qu’elles le deviennent : le costume était indifférencié jusqu’au XIVème siècle, puis il laisse place à la différenciation prônant ainsi l’individualisation. Porter la toge était commun chez les Romains, les femmes étaient autrefois interdites de porter des pantalons, les écossais eux, n’ont aucun problème à porter des kilts, les robes de pasteurs ou d’avocats paraissent banales, et de nos jours, les femmes sont en smoking. Mais la mode unisexe signifie bien plus. Avant la notion même d’esthétique, le besoin prime. Libération du corps, confort, bien-être. Alors pourquoi ne pas avoir songé à la démocratisation de l’unisexe plus tôt ?
Niveau coupe, on se doute bien que ce ne sera pas extravagant : plutôt droit, pas trop décolleté, assez ample, on laisse la « taille unique » pour un « genre unique ». Oui car malgré les morphologies différentes, les modèles doivent bien évidemment aller aussi bien à l’homme que la femme, et finalement, le travail nécessite plus de réflexion. Quand elle est en quête d’un vêtement qui met en valeur son corps, en soulignant la poitrine et la taille, lui ne cherche pas pour autant la même chose. L’habit masculin étant généralement plus large et moins cintré, la femme a tendance à le trouver bien confortable… So let’s break the rules, oui mais. Pour un vêtement gender fluid, vers quel côté place-t-on les boutons ? Sachant que les hommes boutonnent de gauche à droite et les femmes inversement. Il est également difficile d’imaginer un pantalon parfaitement convenable pour les deux sexes. Une petite limite peut-être ?
En ce qui concerne les imprimés, la marinière par exemple est devenu commun et omniprésent autant chez l’homme que la femme. Originellement un motif renvoyant au métier de pêcheurs, il est aujourd’hui beaucoup reproduit en pull, t-shirt, débardeur, robe. Consommé en quantités modérées, le fleuri peut se retrouver chez l’homme mais en touches ponctuels, que ce soit sur le noeud papillon ou la cravate mais encore comme imprimé sur une chemise. Au coeur de tant de sophistication et de superficialité, et si l’on revenait finalement tout bêtement à la simplicité pure, au vêtement unisexe, on oublie les différences et hop ! Il est vrai que la femme s’est appropriée toute la garde robe XY, du pantalon au costume, sans doute pour des raisons pratiques et de confort. En effet, lorsqu’on se rappelle les robes Watteau ou à paniers en général, le volume et l’ampleur pesaient lourdement et il n’était pas facile d’effectuer tous les mouvemen ts. Or, ce n’est pas parce que la femme se sert chez l’homme que l’inverse est équivalent. Que rechercherait l’homme dans la garde robe d’une femme ?
Die Annakonda by Anna Tai
Une archéologie de l’androgynie.
(par Adrien)
Les tendances de fond de l’univers textile que l’on voit apparaître au fil des époques ont toutes un point commun, celui de ramener ce qui est “à la marge” au “centre” : ainsi, les vêtements de travail des ouvriers (workwear) sont aujourd’hui réinterprétés par les designers du monde entier, les codes vestimentaires urbains, avec la montée en puissance du hip-hop, ont fortement influencé notre vision du corps et de l’habillement, et dans une certaine continuité, nous avons pu constater l’avènement du sportswear il y a quelques années : running, sweatpants, sweat, hoodies font désormais figures de basiques dans l’a garde-robe masculine.
Sur la tendance de l’unisexe
Pour ma part, je crois beaucoup à l’amplification de cette tendance pour les années à venir, et c’est la raison même de cet article (vous ne pourrez pas dire qu’on ne vous aura pas prévenu). Aujourd’hui, certaines silhouettes masculines tendent à se féminiser, tandis que l’univers féminin tend de plus en plus à utiliser des pièces dites “masculines”, comme vous l’a déjà expliqué Anna. Difficile de faire un historique exhaustif complet d’un tel mouvement de fond, je vais donc passer par quelques figures et références culturelles pour démêler tout cela et vous proposer mon point de vue sur le sujet.
Coco Chanel
Gabrielle Chanel, dite “Coco Chanel”, est née le 19 août 1883 et morte le 10 janvier 1971. Vous connaissez certainement la marque éponyme, l’un des fleurons de la haute couture française.
C’est en 1926 que Coco Chanel est mise sur le devant de la scène parisienne avec “la petite robe noire“, quelle réussira à imposer aux critiques de mode américains comme français. La petite robe noire devient alors ce qu’on appelle aujourd’hui “un must-have”.
Cependant, ce qui retient mon attention, et c’est la raison même de ce focus sur Coco Chanel, c’est l’introduction dans ses collections de l’imperméable ainsi que du blazer à boutons dorés, puis celui des premiers tailleurs en tweed en 1928 après ses voyages en Ecosse.
Le blazer à boutons dorés est à l’origine un vêtement militaire, et les tailleurs en tweed réservés aux hommes depuis leur adoption par les gentlemen farmer.
Depuis ses débuts et jusqu’à la fin de sa vie Coco Chanel a représenté l’émancipation de la Femme, l’appropriation et la réinterprétation des codes du vestiaire masculin, une sorte de “dé-fiminisation” progressive de la silhouette féminine.
J’ai très peu cherché ce qui pouvait passer pour son pendant masculin, tant cela est évident à mes yeux : c’est l’un des rares designers masculin que le grand public connaît au moins de nom : Hédi Slimane.
L’ère Slimane
Vous avez déjà certainement entendu parler de ce designer superstar des podium de la décennie passée, qui a révolutionné les lignes du vestiaire masculin en y apportant une touche rock et androgyne. D’une certaine manière, comme Coco Chanel pour la femme, Hédi Slimane a revisité les codes du vestiaire masculin, mais cette fois-ci en puisant dans l’univers rock-grunge, pour rapprocher les silhouettes féminines et masculines. Retour sur le parcours de ce designer iconoclaste.
Hedi Slimane est né le 5 juillet 1968 à Paris. D’abord rêvant de journalisme et de photographie, Hedi Slimane s’est ensuite peu à peu redirigé vers la mode, d’abord, en 1992, en devenant assistant de Jean-Jacques Picart, co-fondateur de la maison de haute couture Christian Lacroix, puis, en 1997, en dirigeant les collections de prêt-à-porter chez Yves Saint Laurent.
En 2000, Hedi Slimane prend la direction artistique de la collection Dior Homme, lors de la collection black tie de l’automne hiver 2000-2001, et c’est là qu’il entreprend de redéfinir la silhouette masculine : il l’affine, cintre tous les vêtements – les jeans deviennent skinny, les hauts sont particulièrement recintrés, la cravate est également beaucoup plus fine – et utilise le noir et le blanc à profusion. Une nouvelle vision du corps et de la mode masculine émerge ainsi, plus androgyne et plus rock, inspiré de groupes comme Franz Ferdinand et The Libertines.
Après cette collection, Hédi Slimane quitte Yves Saint Laurent et prend la tête de manière définitive de la direction artistique de Dior.
Nous quittons aujourd’hui, une décennie après, peu à peu, l’ère Slimane : les silhouettes se font de moins en moins filiformes, de saison en saison et la rue tend à s’approprier des codes venant d’univers plus disparates, moins rock.
Venons en maintenant à notre dernier designer, qui a assumé le côté androgyne et unisexe jusqu’au bout : Had Hourani.
Rad Hourani
Anna a déjà mentionné le nom de Rad Hourani, touche-à-tout féru de photographie, de piano, d’architecture, d’installation et de cinéma. Rad Hourani est né en Jordanie en 1982. Il a 16 ans lorsque sa famille s’exile à Montréal, et y apprend alors le français. Aujourd’hui, Rad Hourani vit à Paris, où il a ouvert son atelier de haute couture – ceux qui se baladent dans le marais ont certainement déjà visité ou même aperçu le showroom. L’atelier de prêt-à-porter se situe quant à lui à Montréal.
En janvier 2014, il a été le premier designer canadien, et surtout premier designer unisexe à être invité par la Chambre syndicale de la haute couture française (spécialité de notre pays) à devenir membre, parrainé par Sydney Toledano, PDG de Dior. Il y a également présenté sa collection.
Le credo, la ligne directrice de ce designer au parcours hors du commun ?
Had Hourani rêve d’un monde sans âge, sans sexe et sans religion où les êtres humains ne seraient pas semblables, mais distincts, différents et uniques. Ce thème de l’unification adaptable à chacun permettrait à tout être humain de s’exprimer et d’être ce qu’il est, dans sa personnalité propre.
L’unisexe, ici, est parfaitement assumé, et les coupes, taillées au couteau, tendent à uniformiser le corps, masculin et féminin.
Anna et moi espérons que vous avez apprécié lire l’article, comme nous avons apprécié l’écrire. Ce type de collaboration est toujours intéressant pour les deux blogs, n’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez écrire avec nous, ou pour nous. En attendant, ne ratez rien de l’actualité du blog et abonnez vous à notre newsletter.
Anna, Adrien.
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féminisme
September 30, 2016 at 8:17 amBravo vive la mode unisexe ,il ne devrait jamais avoir eu de distinction homme/femme, exemple :, le pantalon était réservé aux hommes ” , mais les féministes se sont battues pour avoir eu le droit de porter un pantalon, hélas j’entends parfois encore des gens qui racontent que le football est un sport masculin alors je voulais leur répondre si ils me lisent que c’était faux ,on ne le répète jamais assez ,le foot est un sport mixte, beaucoup de femmes que je connais jouent et regardent le foot exemple: ma cousine , ma fille et ses copines jouent au foot , certains disent aussi qu’une femme ne peut pas être militaire , pompier , ma mère était une militaire.Il n y’a aucun personnages féminins dans les jeux vidéos, le féminisme désire que les femmes aient le choix de leur métiers ou de leur apparences, elles ne détestent pas les hommes j’ai connue pas mal de femmes ultra hétéros qui n’aimait pas la danse, les robes ou le maquillage etc ,à force de voir des femmes qui ne suivait pas les codes j’ai compris que la féminité n’était qu’une invention culturel, construit à cause de la mode et du marketing , alors j’incite chaque femmes à ne pas s’épiler et à ne pas se maquiller regardez tous les gens c’est mon choix” je suis féminine et poilue”, vous verrez qu’il n y’a d’autre façon d’être féminine par exemple en étant poilue . virilité=rien féminité=rien
Jeremy Kohlmann
October 04, 2016 at 6:32 amJe pense surtout que chacun devrait être libre d’être ce qu’il veut, peu importe le genre 🙂