J’ai rencontré l’un des créateurs de la marque “Cavalier Bleu” lors d’une vente éphémère – l’homme by Méliana – il y a quelques semaines. J’étais littéralement “tombé” sur une veste croisée à col châle que je trouvais réussie. J’avais demandé à la vendeuse si la veste était entoilée, elle m’avait alors redirigé vers Damien, directeur commercial de la marque. De fil en aiguille, nous avons sympathisé, et j’ai pu découvrir avec curiosité et enthousiasme une marque pleine de promesses. Lesquelles ? Suivez le guide !
Aujourd’hui, je ne vous propose pas de test. Par honnêteté envers nos lecteurs, je trouve plus intéressant de plonger complètement dans l’univers de la marque, tenter de décrypter les pièces et connaître leur fabrication, plutôt que de me concentrer sur un seul produit. Chez Max Rosse par exemple, il n’y avait qu’un seul produit, et c’était un choix de son directeur. Chez Cavalier Bleu en revanche, il y a une réelle volonté de proposer une large collection. Il aurait été dommage de nous arrêter sur une seule pièce. J’ai préféré aller jusqu’au bout des choses.
Cavalier Bleu était à ses origines, et jusqu’en 2013, une ligne de veste pour femmes. Ce fut un renversement complet de stratégie l’année dernière. Damien Bettinelli, directeur commercial, a rejoint Samy Thuillier, le fondateur de la marque.
À gauche, Samy Thuillier, à droite, Damien Bettinelli.
Aujourd’hui, l’objectif pour la marque est de proposer un vestiaire homme “casual chic”, dans un rapport qualité/prix resserré. Ainsi, Cavalier Bleu propose quatre modèles de vestes, cinq de chemises, un sweat et un pull, deux pantalons chinos, neuf cravates, neuf ceintures, et enfin deux costumes. Sur le site de la marque, on peut lire que les collections Cavalier Bleu “sont à l’image de l’homme parisien des années 2010 : une sensibilité pour la qualité et le beau, mais aussi une authenticité et une audace à nul autre pareil.” C’est exactement ce type de positionnement que je trouve intéressant dans la période que nous vivons actuellement – période de regain d’intérêt pour le style au masculin et plus largement, le vêtement. Je fais parti de cette jeune génération qui puise son style et son élégance dans les codes classiques, “vintage” pourrait-on dire, pour les réactualiser, les remettre au goût du jour à sa façon. J’aurai l’occasion d’y revenir dans cet article, mais il me semble important d’appuyer sur ce point : Cavalier Bleu fait co-exister les codes classiques, intemporels, avec les aspirations de liberté et d’audace qui sont dans l’air du temps. Cette philosophie se retrouve dans toutes les pièces de la marque. Un exemple ?
Pull cachemire, 50% cachemire, 50% laine mérinos.
C’est une pièce que je n’ai malheureusement pas pu approcher ni toucher, et pour cause, la série était limitée à 20 exemplaires. Ici, la marque collabore avec un artiste à la sensibilité urbaine marquée, POES, afin de proposer un produit quasi hybride, à mi-chemin entre vêtement et oeuvre d’art. L’empiècement en cuir représente un plan du métro de Paris sur lequel a été dessiné un graffiti de l’artiste. Outre la qualité des matériaux utilisés et de la confection italienne et française, j’apprécie particulièrement cette audace stylistique, ce pari que je trouve, pour ma part, réussi.
Le très abstrait Kandinsky
Damien a pris le temps de m’expliquer l’univers de la marque, et il me semble intéressant de partager avec vous ces quelques connaissances…
D’où provient donc le nom de “Cavalier bleu” ?
De l’Allemagne du début du 20ème siècle, lorsque les artistes avant-gardistes de l’époque décident de créer un courant artistique nouveau basé sur les principes décrits dans “Du spirituel dans l’art”, livre publié par Kandinsky en 1910. Dans l’art abstrait, l’oeuvre ne doit pas copier la réalité, la nature – comme dans l’art traditionnel – elle doit être une création indépendante, “pure”. Il n’y a plus de perspective, de lumière, ni de modelé. Les artistes n’utilisent que formes géométriques, lignes, tâches de couleurs, agencées ou non. Une recherche de liberté absolue. En 1911, Kandinsky créé avec Franz Marc l’almanach du Cavalier Bleu. Pour Kandinsky, le cheval représente le talent de l’artiste – son feu sacré – tandis que le cavalier, c’est l’artiste lui-même, qui guide le cheval avec “vigueur et rapidité”.
Impression V (parc), 1911, huile sur toile. Source : centrepompidou.fr
Dans cette oeuvre, on pourra reconnaître deux cavaliers, un beige, un bleu et deux spectateurs. Mais ce qui domine clairement le tableau, ce sont les différents aplats de couleurs, notamment le triangle rouge au centre, ainsi que le vert et le bleu sur les côtés. Avant de passer à la suite et pour le plaisir des yeux …
Jaune – Rouge – Bleu, 1925, huile sur toile. Source : centrepompidou.fr
Un point important à connaître : Kandinsky était un artiste pédagogue, qui aimait expliquer les raisons pour lesquelles nous percevions différemment telle ou telle couleur, ou bien telle ou telle forme. C’est également un axe majeur de développement de la marque Cavalier Bleu, un principe qui les conduit à expliquer de la manière la plus pédagogique qui soit les procédés de fabrication de leurs pièces. Chez Be What You Wear, nous adorons ces manières – étant curieux par nature et aimant apprendre et enseigner également. C’est la raison pour laquelle une collaboration naît actuellement entre bw-yw et Cavalier Bleu, afin de vous offrir des connaissances solides sur les vêtements. Je ne vous en dis pas plus pour l’instant, vous en saurez plus prochainement – inscrivez vous à la newsletter pour recevoir de nos nouvelles.
La collection
Dans cette seconde partie, nous allons aborder la collection Cavalier Bleu de manière plus technique. Je compte vous expliquer en détails les raisons pour lesquelles la marque propose des produits de bonne qualité, et ce qui la distingue du prêt-à-porter grand public ainsi que de ses concurrents. J’ai choisi pour ce faire les pièces qui me paraissaient les plus emblématiques : costume, blazer, chemise, chino, cravate.
La fabrication Made in France
Les ateliers de Cavalier Bleu – deux au total – sont situés à Paris. Chaque pièce est conçue à la main. En 50 ans, ces ateliers sont restés dans les mêmes familles. La plupart des employés ont 30 à 40 ans de métier, et ne produisent que des articles haut de gamme.
Sur chaque pièce une étiquette mentionne : “Conçu avec soin entre le Louvre et la Tour Eiffel”
Le costume
Le costume, droit, est proposé en deux coloris, le noir et le bleu. La laine provient de la très célèbre et très renommée filature Vitale Barberis Canonico. Cette très célèbre maison de drapiers est née dans les montagnes du nord de l’Italie, et l’on retrouve ses premières traces d’activité en 1663 (sic). Elle produit un matériau d’une grande qualité. En effet, tous les tissus qui sortent de la filature sont contrôlés et doivent ne présenter aucun défaut. Aujourd’hui, c’est la treizième génération qui assure la continuité de l’entreprise, qui achète quatre millions de kilos de laine par an, et confectionne ainsi plus de 7 150 000 mètres de tissu. La filature se concentre sur le haut de gamme depuis 1947. Les hommes les plus élégants du monde ont porté des tissus Vitale Barberis Canonico, et les plus grands tailleurs s’y fournissent encore aujourd’hui. Cette laine super 120’s est donc un premier gage de qualité – les appellations “super” désignent le diamètre des fibres (super 100′s= 18,5 microns, super 150′s= 16 microns, super 220′s 12,5 microns). Le costume a été créé pour un public d’avertis, de connaisseurs, ou en tout cas pour un public qui souhaite se tourner vers un produit plus accessible que le sur-mesure mais de plus grande qualité que le prêt-à-porter classique. On note également que les boutonnières sont fonctionnelles, et la veste semi-entoilée (je reviendrai sur ce détail). Pour 680 euros un produit made in france d’un très bon rapport qualité/prix.
Le blazer
Ce blazer deux boutons est la pièce phare de cette collection, il signe indubitablement l’esprit et le credo de Cavalier Bleu : l’audace, dans l’élégance. La laine provient également de la filature Vitale Barberis Canonico, et la construction semi-entoilée, comme pour le costume, assure une longue durée de vie à la pièce.
Ah, je vous vois venir … Mais qu’est ce que le “semi-entoilage” d’une veste ? Le semi-entoilage, ou montage semi-traditionnel, consiste à utiliser un plastron en crin de cheval et en ouate naturelle, monté et cousu à la poitrine et au revers de col. Ce plastron est habituellement thermocollé chez la plupart des marques grand public, et c’est pourtant un détail essentiel pour une veste. En effet, ce montage assure la structure de la veste, permet d’avoir un meilleur rendu de la poitrine et des épaules, et assure au blazer, comme je l’ai déjà mentionné, une plus longue durée de vie. Notez que les boutonnières, là encore, sont fonctionnelles. Le liseré en velours bleu, sous la poche, est présent sur toutes les vestes de la marque et constitue en quelque sorte sa signature.
La chemise
C’est une pièce très étudiée et travaillée de Cavalier Bleu. Côté technique tout d’abord, le coton est double retors : deux fils sont torsadés pour n’en créer qu’un seul. Il faut des fibres longues, et donc de qualité pour utiliser cette technique. Le tissu devient dès lors plus doux et plus résistant. Le titrage de cette chemise est de 140. Concrètement, ce nombre correspond à la densité du tissu : plus il est élevé, plus le nombre de fibres est important, ce qui signifie que leur finesse, et donc leur qualité est plus importante. Nous avons donc là une chemise techniquement avancée, qui dispose de gros atouts, pour un prix de 140 euros.
Le chino
Mon coup de coeur de cette collection, un chino élégant et habillé dans un coton twill anglais très doux au toucher. On note la présence de poches passepoilées en cuir camel. Les boutons sont en bois d’olivier brut. Contrairement à un pantalon dockers, à la frontière entre chino et jeans, d’un aspect plus “baroudeur”, le chino Cavalier Bleu s’inscrit résolument dans une ligne plus chic. On le portera plus facilement en soirée, ou pour des occasions un peu plus formelles. Chez La Comédie Humaine, Melinda Gloss ou Ami, il vous faudra investir 170 à 180 euros pour ce type de pièce. Chez Cavalier Bleu, comptez 140 euros.
La cravate
Côté accessoires, les cravates tricotées en soie superfine sont pour moi de véritables réussites. Comptez 50 euros pour cet objet fabriqué à la main à Naples. Un rapport qualité/prix parmi les meilleurs du marché là encore.
Voilà pour aujourd’hui, j’ai tenté d’être exhaustif pour cette première partie, j’espère vous avoir transmis ma curiosité et mon intérêt pour cette marque au grand potentiel. Je vous ai parlé de Cavalier Bleu côté technique. Dans le prochain article, je vous proposerai différentes manières de porter et de marier ces pièces. Le but sera de vous montrer comment jongler avec l’univers et les codes de la marque avec élégance et style. Vaste programme !
En attendant la suite, je vous invite à visiter le site de Cavalier Bleu.
Edit : la deuxième partie de l’article se trouve ici.
Adrien, artiste abstrait.
S'inscrire à la Newsletter
Mode, Style, Tendance, Lifestyle et tests produits. Une fois par semaine.
Merci pour votre inscription.
Quelque chose n'a pas fonctionné.