Note de Jérémy : Aujourd’hui, c’est Romain Rousseau, déjà chroniqueur chez Modissimo et BonneGueule qui vient échanger avec nous, avec vous. Son expérience des Fashion Weeks n’est plus à prouver, et il nous fait le plaisir de venir décrypter New York ici. Je compte sur votre accueil !

8 jours, plus de 200 défilés et présentations répartis sur toute la journée et  jusqu’à la nuit, plus de 5000 tenues créées et au moins autant de journalistes venus du monde entier. Milan ? 70 défilés. La démesure semble inhérente à la culture américaine !  La fast fashion de masse est ici reine, et l’artisanat y vit ses derniers instants. Pourquoi des défilés, censés permettre la présentation de pièces d’exception ? Pour la forme, car les américains adorent la forme, et qu’ils ne savent pas faire du – vrai – Luxe, celui qui est rare, beau et de très haute qualité. Cela ne fait pas partie de leur histoire et de leur culture.

Aujourd’hui, le “Luxe” à l’américaine est incarné par la marque Coach. Ce Louis Vuitton américain produit en Chine tous- ou presque – ses sacs bardés de logos…pardon, il faut dire monogramme de façon à rendre plus acceptable ces vulgaires signes ostentatoires de richesse. Cependant, si vous allez faire un tour sur leur site, vous y verrez une émouvante vidéo à propos du savoir-faire, tournée dans un atelier dont on montre bien l’adresse new yorkaise, pour générer de la confusion. Voilà ce qu’est le faux luxe à l’américaine : de l’image, un prix élevé, de grosses marges, mais surtout, surtout pas d’artisanat quelle horreur.

Alors pourquoi parler de la fashion week de New York ?  Si l’on parvient à prendre un peu de hauteur, il faut admettre que NYC demeure un laboratoire du style très intéressant. C’est un événement grâce auquel émergent des talents dont l’esprit créatif sont peut être déjà en train de poser les bases de la mode de demain.  Fidèle à sa réputation meltin-pot, la grosse pomme peut se vanter d’être une réelle émulation stylistique. Et heureusement, certains ont gardé la volonté de faire du Luxe et pas simplement de la mode, animés par l’amour du travail bien fait. Entre les jeunes talents perfectionnistes et honnêtes, les rares passionnés de belles matières et les arnaques pures et dures ne reposant que sur de la com’, il faut faire le tri. Voici les défilés masculins les plus représentatifs de cette fashion week printemps été 2015, décryptés pour vous !

 

Billy Reid

S’il fallait n’en garder qu’un, ce serait probablement celui-ci. En complet décalage avec ses homologues américains, il exacerbe le contraste entre la conception d’un Luxe plus traditionnel et la fast fashion made in USA.

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Il faut savoir que Billy Reid n’est pas un petit nouveau, sa barbe grisonnante et ses petites lunettes lui donnent même un côté paternel… et tout le respect qui va avec. Lui aime les belles matières, les détails soignés et les choses bien faites. Le lieu accueillant les défilés de la marque est annonciateur : un parquet parfaitement posé, un âtre finement moulé et des plantes vertes pour aérer. Avec leurs imprimés paisley décontractés, leurs coupes amples et leurs matières naturelles (lin, coton…) finement tissées, les premiers looks attirent immédiatement et enivrent de leur confort et de leur légèreté. Le bleu marine est choisi comme couleur privilégiée pour trancher avec une palette autrement plus fade.

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La délicieuse simplicité ambiante est tout sauf simpliste. Les tricots dessinent des motifs tons sur tons aussi complexes à réaliser que discrets, et le travail au crochet est servi par une régularité assez stupéfiante. L’épaisseur des matières peut surprendre : il est vrai que pour un été, les mailles apparaissent généreuses et presque rigides. Cet aspect rustique, très représentatif de Sir Reid, est trompé par un mélange de lin et de coton, appréciable pour la saison estivale. Rien n’est jamais laissé au hasard, et la rationalité oeuvre ici pour conférer ce côté négligé à la collection. Notez au passage qu’il n’y a pas d’accessoires : cela change  d’autres marques dont le but ultime est de vendre des portefeuilles ou des sacs monstrueusement rentables.

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Le travail qui nous est offert donne envie. Qualité de la confection, noblesse des matières et technicité des tissages : tout ce que l’on est en droit d’attendre d’un label proposant des défilés se retrouve chez Billy Reid. La rusticité du style fait grand bien au milieu de jeunes et fougueux designers ayant souvent du mal à doser la sophistication. Finalement, on voit bien que la maturité du créateur et son authenticité suffisent à faire de chacun de ses défilés un succès : Etro s’est trouvé un sérieux concurrent !


 

Hood By Air

 

Le défilé le plus attendu, la star, c’est lui. Shayne Oliver a lancé sa marque sur les podiums il y a un peu plus d’un an, et il est rapidement devenu la coqueluche des critiques et d’un public ultra, méga, giga hype. Suivant son évolution, j’avais pour habitude de le comparer à Riccardo Tisci chez Givenchy, ces deux là se rapprochant d’un streetwear torturé très spectaculaire, parfois proche du gothique.

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Oliver créé la sensation en déconstruisant la plupart des pièces qu’il présente. Qu’il s’agisse d’un blazer aux proportions surréalistes (épaules oversizées mais taille ultra cintrée par des épingles) ou des chemises/tabliers portés sur des pantalons surchargés d’applications, il faut bien reconnaitre que le travail est là. L’androgynie, récurrente chez ce designer, est perceptible dès le premier look, non seulement à cause des cheveux du mannequin prépubère, mais surtout du fait de la longueur du blazer le rapprochant dangereusement d’une robe.

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On entre rapidement dans la phase de délire, caractérisée par des espèces de guillotines en plastique : la rupture avec ce qui est acceptable se produit maintenant. Ne vous y trompez pas : il s’agit de faire le buzz, d’interpeller. Pour mettre en récit son travail, Oliver balance un charabia pathétique sur la liberté : oui, sa mode est un moyen d’exprimer une opinion politique pour clamer haut et fort que la liberté c’est bien, que les morts c’est mal, et qu’il faut vraiment refuser l’asservissement – bla bla bla. Comment ? En consommant… Wow, vous sentez l’énergie de la révolte libertaire qui monte en vous, infusant ce besoin irrésistible de foncer chez Colette claquer 500€ dans une chemise en coton ? Ah, ces américains…

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Et puis, en toute humilité, Shayne Oliver choisit de faire défiler à plusieurs reprises le même look composé d’une veste bombardier au cuir embossé HBA, d’un pantalon appliqué de cuir imprimé des 3 lettres initiales en géant et d’une paire de chaussures insignifiantes. Pourquoi ? Parce que bientôt tout le monde portera du Hood By Air dans la rue. En réalité, il s’agit juste de matraquer des pièces ultra commerciales bardées de logos, parfaites pour le marché US, ou pour les fans d’une mass mode branchouillée, hype – juste ce qu’il faut pour être détestable – et so bling.

Le bilan est ainsi plus que mitigé. D’un côté, il faut reconnaitre une capacité à déconstruire le vêtement intéressante et un parti pris fort pour ce jeune créateur… Et une stratégie marketing extrêmement bien rodée, bien qu’elle puisse être l’évolution d’une démarche sincère. Malheureusement pour lui, il s’est complètement perdu dans les nombreux pièges de la mode actuelle où tout est centré sur la com’ et le marketing plus que sur le produit en lui même. L’objectif de HBA est de faire acheter le produit pour tout ce qu’il représente (d’où les messages politiques bidons) et non pour ce qu’il est. L’inverse de la démarche engagée par de nombreux blogs dont Bw-Yw pour centrer votre attention sur le produit et sa qualité intrinsèque.

Les parangons d’une vraie mode révolutionnaire, comme les créateurs du mouvement antifashion (Helmut Lang, Margiela, Ann Demeulemeester, Rei Kawakubo…) étaient détestés du grand public, détestés des critiques. Ils ont mis des années à construire leur style et leur réputation, à force de travail, d’honnêteté et surtout de sincérité dans leur démarche alternative. Dans ce contexte, il est  amusant de voir Oliver proclamer des slogans révolutionnaires pour donner à sa mode une profondeur qu’elle n’a pas. C’est une usurpation, et c’est agaçant… Ce qui n’empêche pas que certaines pièces méritent vraiment le détour !


Lacoste

Oui, la marque au crocodile est présente sur les podiums, depuis des années. Succédant à Christophe Lemaire, lui même récent démissionnaire de chez Hermès, Felipe Oliveria Baptista a fait souffler un vent de fraicheur et de grande modernité sur la marque fondée par René Lacoste. Nous ne sommes, vous vous en doutez, pas face à une marque de Luxe, ni de près ne de loin. Mais les designs marquant l’évolution de l’esprit Lacoste méritent le détour.

lacoste1Au commencement, et même si son histoire fait débat, le polo a été inventé dans un but pratique. Les tennismen jouaient, auparavant, en chemise, conformément au brin de snobisme inhérent à la pratique de ce sport. Mais bien entendu, c’était inconfortable, d’où l’idée de la remplacer par un vêtement conçu dans une toile plus absorbante (le piqué de coton), à manches courtes, en reprenant malgré tout le col de la chemise. Baptista perpétue ce dogme du confort en se servant de matières innovantes et ultra respirantes, à l’image de ce polo gris béton perforé, on d’un blouson coupe vent imperméable et orné d’une capuche imposante.

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Conformément à l’esprit voulu avant-gardiste de la ligné défilé, les imprimés graphiques sont légion pour cet été 2015. Un long tank top prune est imprimé de numéro entrecoupés, procédé que l’on retrouve sur un polo rigide. Evidemment Lacoste est plus que légitime dans l’univers sportwear/activewear et en maitrise les codes avec une aisance toute naturelle. Le motif abstrait et géométrique apporte une touche de couleurs acidulées très agréable et particulièrement appropriée pour cette saison estivale.

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Les looks les plus intéressants sont totalement unis, et teintés de couleurs profondes. Un costume très sport ou un ensemble parka/chemise décontracté : le travail du designer portugais prend soudain une dimension cérébrale inattendue. Mais le meilleur look est sans conteste celui mettant à l’honneur la couleur prune. Le polo à la toile épaisse et brillante est déjà magnifique en soit, mais le détail de la ceinture portée sur le short offre à l’ensemble une intensité absolument splendide, servie en plus par la peau ébène du mannequin. Pour résumer, si nous n’attendons pas de Lacoste de la grande mode, l’exercice présenté donne vraiment envie : il y a une identité cohérente et aboutie . A part quelques pièces très colorées, il faudra cependant rester vigilant car dépareillées, certaines pourraient devenir tout simplement insipides…


Mark McNairy

 

Il y a les minimalistes, les futuristes, les conceptuels, les glamours… et les inclassables. Mc Nairy est un fantaisiste et propose une mode pas vraiment sérieuse, quitte à se vautrer dans le mauvais goût.

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Tout commence avec du print, plus ou moins massif et coloré. Noir sur beige, cela suggère un style fun mais acceptable à porter. Le tie & dye multicolore est, lui beaucoup plus agressif à la vue, et vraiment trop acide. Quant aux mocassins verts… L’imprimé militaire a été vu et revu, c’est pourquoi l’idée de l’utiliser sur une chemise aux manches unies et contrastantes s’avère être excellente. Le motif reste indécent et totalement inapproprié en ce moment, mais McNairy est probablement perché très haut depuis longtemps, loin de rentrer dans ce genre de considération !

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Au milieu de tout cela, on trouve quand même quelques tenues tout à fait portables, voire carrément sobres, à l’image d’un costume en flanelle grise assortit de runnings, dont on fait d’ailleurs une overdose – vivement la fin du mouvement hipster, au moins aussi ridicule que celui de la tecktonik en son temps. Loin de tout cela, une blouse étonne par son impressionnante longueur, mise en valeur par les sempiternelles rayures blanc/bleu, sans oublier le total look chemise/short version rayures de bagnard revisitées.

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Soudain, c’est le carnaval. Les vêtements sont conçus comme des patchworks de tissus, couleurs et motifs qui n’ont absolument rien à faire ensemble, à l’image d’un teddy rouge, camo, bleu, jaune porté sur un t shirt à pois. Idem pour le tie and dye sur un short à rayures, ou la veste de cow boy en denim et cuir. Il y a des amateurs de cette mode un peu folle et nostalgique des années 90, mais cela reste plus ridicule qu’autre chose. Il est trop facile de jouer la carte de l’excentricité en faisant n’importe quoi, quand d’autres construisent et travaillent véritablement pour créer la fantaisie.

Pour résumer, malgré quelques pièces potentiellement “sympas”, le défilé est assez désordonné et peu intéressant. Il n’y a ni création, ni technicité et encore moins matières luxueuses. On espère qu’au moins, lui s’amuse à faire ce qu’il fait…

 


 

N. Hollywood

Parfois plus que les vêtements en eux-mêmes, le simple fait d’observer les réactions des invités permet de jauger le succès d’un défilé. Il y a ceux qui sourient en abusant d’onomatopées, ceux qui griffonnent sur leurs carnets consciencieusement avec intérêt, ceux, encore, que l’on sent prêts à se lever pour voir de plus près une pièces dont la technicité est stupéfiante. Il y a ceux, enfin, qui malgré une place au premier rang, ne peuvent s’empêcher de regarder leur smartphone pour éviter l’ennui. Guess what …?

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Ce label a été fondé par le japonais Daisuke Oban il y a un peu plus de 10ans. Le concept était, fidèlement à sa passion, d’utiliser de vieux vêtements ou d’anciens styles pour en faire quelque chose de nouveau et de moderne. Alléchant, ambitieux même, tout comme le thème de cette collection : les insectes. Le créateur a fait référence à l’admiration de son fils pour ces petites bestioles qui soudainement l’ont inspirées. Mais entre les discours et la réalité, il y a parfois un gouffre.

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Les imprimés pixélisés évoquant effectivement des corps d’insectes (abdomen, ailes…) sont assez plaisants, même si Alexander McQueen a déjà largement fait le tour de la question de son vivant. Malheureusement, cela s’arrête là pour l’identité de la collection. Le reste se résume à un ballet de pièces casual toutes plus banales les unes que les autres. Le motif camouflage ne parviendra pas à faire oublier la fadeur d’un pantalon en toile de coton tout simple, et la profondeur du bleu marine ne suffira pas à donner le moindre relief à un ensemble parka/hoodie/pantalon retroussé. Non, rien à faire.

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Tout n’est pas à jeter, et heureusement. Comme souvent, certaines pièces sans saveur nous font pourtant très envie, à l’image d’un sweat taupe à la texture soyeuse à l’encolure large. C’est juste que… C’est la fashion week ! Les défilés existent parce que certaines Maisons ont jadis estimé que leurs créations nécessitaient d’être présentées portées afin de révéler toute leur complexité, toute leur beauté. Aujourd’hui, certains exposent sur un podium ce qui ne devrait figurer que sur un lookbook pdf : le défilé ne fait pas la création, mais la création est censée faire/légitimer le défilé. Il ne faudrait pas l’oublier…


Robert Geller

 

Geller revient de loin. D’origine allemande, il a débarqué aux Etats Unis puis commencé rapidement chez Marc Jacobs… C’est donc un rescapé du mauvais goût et de la médiocrité, d’autant plus que son travail à lui est vraiment excellent. Il a pu se lancer en solo pour la première fois en 2007, et s’efforce depuis d’affiner un style bien personnel. Il coiffe systématiquement ceux qui défilent pour lui de couvre-chefs : voici sa marque de fabrique.

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Ce sont, selon ses mots, les couleurs des jouets de ses enfants qui auraient inspirées Robert Geller – encore les mioches. Les sweats à manches courtes sont confectionnés dans une matière brillante et épaisse afin de leur conférer cette rigidité quasi futuriste, contrebalancée par un motif arty, ce grâce à l’effet coups de pinceaux irréguliers. Le total look se compose d’un short court, au dessus du genoux et d’une veste à col officier. Noir, orange safran, gris souris, beige… : un nuancier neutre composé de couleurs sourdes et naturelles. On apprécie malgré tout la fraicheur du blanc cassé / bleu marine…

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En parallèle de looks racés comme ceux que l’on vient de voir, Geller composé une parfaite alternative entre pièces barrées et vêtements insipides. Porter une veste en laine chinée sur un pantalon 7/8ème blanc assure une belle originalité “portable”, même si en l’espèce un Tshirt plus court est recommandé. Pour trancher encore plus, un mélange de matière enrobe un pantalon corsaire d’une brillance surnaturelle, parfaitement accordé à un haut ayant la coupe d’un Tshirt et la patte de boutonnage typique d’une chemise. Un T shirt à boutonner en somme : rien de révolutionnaire, mais cela ne court pas les rues. Une version plus sport décline en ton sur ton un top sans manche couplé à un pantalon marqué d’une bande smoking large sur les côtés.

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Enfin, malgré une décontraction constante dans le style de cette collection, on retrouve aussi quelques tenues plus chics, portées par une surchemise lie-de-vin en soie sur un pantalon en flanelle très légère, un coordonné noir tissé d’épais fils blancs, ou encore une veste de style teddy très longue sur un pantalon court à plis.

Là encore, à l’instar de Snyder à découvrir plus bas, nous sommes en présence d’un créateur doté de cette capacité à proposer un vestiaire portable, mais néanmoins tout à fait singulier. Plus que la cohérence et la constance avec lesquelles il travaille depuis le début, c’est bien la maturité qui cristallise le talent de Robert Geller. Saison après saison, il affirme sans hésitation son univers très cosmopolite, à la croisée des temps, avec une assurance remarquable. En voilà un qui n’a certainement pas volé sa place sur les podiums !


 

Siki Im

 

Everything but symmetry. C’est que l’on dirait s’il fallait résumer le travail de Siki Im, un de ces nouveaux arrivants de la mode américaine et élève d’une de ses écoles pour lesquelles le podium reste avant tout un laboratoire.

Tout sauf la symétrie, car le biais règne en maitre sur cette collection. Rien ne semble figé, et le mouvement devient l’essence d’un style qui semble évoluer à chaque pas. Les pantalons amples donnent une impression de solidité/consistance alors qu’en haut, la légèreté et la volatilité des matières déstructurent complètement la silhouette. Lorsqu’il y a un trench ou une veste, il y a forcément des volants pour aérer l’ensemble.

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Siki Im balance constamment entre l’expression d’une mode naturelle et sa fascination pour les robots et le futur. Les soies illustrent le caractère organique du travail de ce jeune designer, quand des matières enduites et brillantes ouvrent la dimension bionique/cosmique du défilé. Les couleurs, elles-mêmes empreintes tantôt de notes sourdes, tantôt de blancs optiques, marquent cette harmonieuse bipolarité. Si l’on va plus loin, on remarquera également l’alternance de pièce “easy to wear” (trench, certains pantalons…) avec d’autres éléments totalement conceptuels. Le travail d’association est alors intéressant pour montrer comment un certaine forme de simplicité et l’innovation peuvent cohabiter.

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Malgré tout, est ce que l’on a envie de porter tout cela ? Ou plutôt, est ce que l’on peut ? Oui et non. Oui, car la vision de ces tanks tops en soie est criante de confort à un moment où le polyester et le viscose règnent sur la mass fashion. Non car malgré tout, d’un point de vue strictement esthétique, Siki Im reste trop avant gardiste pour la –finalement- très timide mode des rues française. Que vaut-il mieux ? Donner l’envie de posséder et de porter, ou susciter curiosité et fascination ? « On ne touche qu’avec les yeux »  disait-on…


Tim Coppens

 

Vous avez déjà sûrement entendu vos amis dire, à propos des certains défilés, “c’est importable”, ou “c’est vraiment pas confortable, regarde comment il marche !”. C’est vrai, parfois les designers poussent la conception un peu loin, jusqu’à imaginer des vêtements farfelus et impossible à porter. Heureusement, d’autres font tout l’inverse, recherchant avant tout le confort… loin d’être contradictoire avec l’innovation !

 

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Tim Coppens nous vient de Belgique, mais émerge aux Etats Unis depuis quelques années. C’est un designer extrêmement méthodique et surtout très rigoureux : un qui sait vraiment travailler quoi. Il nous livre, une fois de plus, une vision très techno du vestiaire masculin, associant ici le coton et le nylon pour concevoir des parkas légères à la texture brillante. Y associer du cuir et trancher entre les couleurs n’est qu’un moyen d’exacerber le côté ultra artificiel de la collection. Le sweat en résille c’est vraiment trop, en tout cas porté sans rien en dessous, mais on imagine qu’en été ce doit être confortable ! Les plus audacieux pourraient le tenter porté sur une chemise, à condition de rester ultra sobre pour le reste de la tenue.

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On passe ensuite dans une dimension plus cérébrales, emprunte de minimalisme. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de détails, mais que chaque élément est construit avec méthode pour former un ensemble très homogène. Le premier “costume” ravi grâce à son col teddy et à sa patte de boutonnage cachée. C’est presque de l’architecture ! Un tank top se voit plaqué de bandes contrastantes alors que la texture épaisse et rigide d’un bomber en ferait presque une armure urbaine. Tout cela parait presque évident et facile.

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Et s’il abandonne un peu de technicité, Coppens propose des sweats et T shirts structurés par des zips ou des pantalon imprimés. Le métal argent et le noir vont tellement bien ensemble que l’on ne compte plus les fois où ils ont été associés, bien qu’on apprécie toujours la précision qu’amène le reflet de la lumière sur le métal au milieu d’un ensemble sombre.

Tim Coppens est finalement un chirurgien sartorial, car que l’on aime ou pas ses collections, on ne peut lui enlever son talent pour des pièces coupées au bistouri. J’évoquais le côté facile à porter : regardez comme chaque style semble effectivement confortable, et même pratique ! Si l’on fait l’impasse sur les insupportables et laides runnings imposées depuis plusieurs saisons sur les podiums, cette collection est une vraie réussite ne venant que confirmer le talent certain d’un jeune designer pour la précision et le futurisme dans la mode !


 

Todd Snyder

 

Lorsqu’un créateur présente des pièces « simples » en fashion weeks, deux options. La première : un communiqué de presse expliquant que le designer a été très inspiré par son dernier voyage au Japon, qu’il a été subjugué par le minimalisme et les couleurs… blablabla. Résultat : des vêtements inaboutis, un fatras de non créativité animé par une musique trop forte et un décor absurde. Du foutage de gueule quoi. Deuxième option : un créateur humble et surtout, sans prétention, qui préfère travailler sur ses vêtements plutôt que d’inventer n’importe quoi pour leur donner du sens. Todd Snyder est de ceux là, et il nous offre pour son premier « vrai » défilé une collection simple mais très bien construite, et bien pensée.

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Nous oublions souvent qu’une simple veste en cuir bien taillée suffit à sublimer n’importe quelle tenue simple, il nous le rappelle ici à plusieurs reprises avec efficacité. Les tons beiges se marient facilement avec l’écru et anoblissent shorts et tennis au dessus desquels ils sont portés. La texture peau de pêche du cuir suédé contraste avec l’aspect rugueux ou brillant des molletons et toiles de coton, ce que l’on apprécie particulièrement.

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Plus sobre encore, le bleu marine met encore plus en valeur le cuir velours grâce à d’intenses reflets, très mystérieux. Il n’y a vraiment rien à dire sur la qualité des peaux utilisées, visiblement de très bonne facture. Cela offre, par exemple, une belle crédibilité à un ensemble où se marient codes formels (chemise blanche, cravate) et informels (teddy bi matière).

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La tendance écrasante du sportwear est aussi respectée tout en reprenant des codes chics grace notamment à un blouson en toile synthétique reprenant le fameux motif prince de galles. L’ensemble sweat à encolure ronde, chemise blanche, cravate, pantalon à plis retroussé et tennis est redoutablement efficace, dosant parfaitement le côté sport et le petit effet de style urbain. Un exemple de tenue sophistiquée mais acceptable presque en toutes circonstances !

Finalement la seule chose que l’on peut regretter, c’est que Todd Snyder soit l’incarnation d’un luxe à l’américaine qui n’en n’est plus vraiment un. 3000$ pour un blouson fabriqué en Asie, c’est investir dans de la marge et de la pub, pas dans du savoir faire et encore moins de la passion. On notera cependant que la plupart des sweats et des mailles sont fabriqués au Canada. Ces éléments n’enlèvent rien au bel exercice de style présenté ici, mais peuvent vraiment gâcher le plaisir une fois rendu en boutique…


 

Versus Versace

 

La marque Versus est une des lignes annexes de la Maison fondée par Gianni Versace. Ce label né dans le début des années 90 était sous la direction de Donatella Versace pour qu’elle puisse y exprimer ses aspirations jeunes et branchées, alors que Gianni développait une mode beaucoup plus artisanale, basée sur des inspirations baroques typique du sud de la Calabre.

Puis l’assassinat du créateur en 98 a marqué le début du déclin de la marque (et l’extinction de Versus), jusqu’aux années 2010 durant lesquelles la Maison a connu un sursaut créatif, relançant même l’activité haute couture éteinte depuis des années. Versus renait également de ses cendres, d’abord sous forme de capsules, puis finalement pendant 2 ans sous la houlette de Christopher Kane, pour finir telle qu’elle est aujourd’hui : une ligne en dehors des calendriers, où chaque saison sera marquée par une collaboration avec un jeune créateur. Succédant à J.W Anderson, le français Anthony Vacarello a proposé la semaine dernière une collection plus Versace que Versus !

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Du coup, pour ceux qui ne les connaitraient pas encore, cette collection donne l’occasion de passer en revue certains des codes Versace. Le premier, celui qui saute aux yeux, c’est le print. Inspiré par l’antiquité et l’art en général, Gianni Versace a usé et abusé de l’imprimé, que l’on retrouve ici en noir et blanc : des colonnes antiques, un effet marbré et du fleuri… tout y est ! Cela reste assez moderne malgré tout, grâce au souffle urbain apporté aux silhouettes par des sneakers blanches pourvues d’une sangle de cuir et d’une boucle…ainsi que d’une tête de lion, emblème de la ligne.

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Versace est aussi l’une des meilleures marques au monde en ce qui concerne le cuir. On retrouve naturellement des pièces en agneau, qu’il s’agisse d’une chemise aux boutons de métal ou d’un T-shirt perforé. La surchemise en denim est elle aussi plaquée de cuir au niveau des épaules pour un aspect plus sophistiqué. Enfin, je vous fais l’affront de présenter un look femme pour terminer cette fashion week new yorkaise pour deux raisons. La première, c’est qu’il n’y avait que 5 looks masculins…et que seulement 2 silhouettes au lieu de 3, cela aurait été bancale.

La seconde, plus pertinente vous allez voir, est que comme je le disais plus haut, certains looks sont de vrais emblèmes de ce qu’est la mode Versace. Gianni ou Donatella ont toujours su exploiter mieux que quiconque l’asymétrie, cela étant rendu possible grâce au talent exceptionnel de leur atelier. Travaillés comme des bandages, les empiècements viennent se superposer en biais pour former une robe sexy et ultra structurée. En plus des bouts de peaux dévoilés, plusieurs bandes transparentes marquées de la frise grecque, emblème de la maison italienne, achèvent une superbe pièce qui met délicieusement superbement en valeur le corps.

J’en terminerai sur Versus en évoquant un aspect très intéressant du défilé : il a été mis en vente sur le site de la marque immédiatement après les défilé. Cette pratique assez innovante (même si Burberry propose la même chose, pour quelques jours seulement) se révèle assez astucieuse et permet de flirter intelligemment sur “l’effet défilé”. Avec un pricing bien plus abordable que la première ligne, il est évident que pouvoir quasiment acheter du Versus sur le podium constitue un effet d’appel puissant. Le futur de la mode ?

Conclusion de Jérémy : Si vous ne deviez lire qu’un résumé de Fashion week, ce serait pour nous celui de Romain. Un ton bien à lui rehaussé de remarques fortes et cinglantes ; c’est ainsi qu’il a choisi de décrypter les défilés, pour notre plus grand plaisir. Si cet article sort un peu de notre ligne habituelle par sa complexité, il n’en est pas moins intéressant et nous espérons qu’il vous aura plu.

A très bientôt les amis !

 

 

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