Le marché du textile, et notamment le segment masculin, connaît une mutation que le secteur professionnel observe et décrit très facilement : outre l’émergence et la prédominance d’internet, on décèle également des signes de la mondialisation galopante – les informations voyagent rapidement, les marques communiquent de plus en plus aisément à l’international, le voyage s’est par ailleurs démocratisé – ainsi qu’une segmentation du marché en “niches” très différentes les unes des autres. Aujourd’hui, on vous propose de faire un rapide point sur la mode inter-culturelle, avec en prime un point sur une pièce particulière : le kimono.

Marché-monde, marché-niche

La mondialisation que nous traitons aujourd’hui est très récente – pour s’en convaincre, on pourra citer l’exemple d’Hiroshi Fujiwara qui, de retour de voyage, rapporte un grand nombre d’informations exclusives et inédites sur le territoire japonais, dans les années 70/80 – mais elle a des effets très concrets sur nos modes de consommation : les grandes chaînes mainstream, que nous connaissons tous, travaillent à partir d’énormes volumes ; elles uniformisent à leur manière un goût textile certain, sans forcément penser en termes de qualité ou de durabilité des vêtements ; c’est ce que j’appellerais la tendance “monde”.


D’un autre côté, on assiste à une “fragmentation” du marché, chaque segment pouvant lui même se différencier en d’autres segments de niche plus petits encore. Les événements qu’on appellera “de niche” sont de plus en plus réguliers. Rien qu’à Paris, la black fashion week, ou encore la fashion tech week, s’adressent à des publics particuliers, loin des enseignes mainstream qui s’inspirent de ces tendances, les copient, les ingèrent à leur manière.

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Nous sommes très curieux de ce genre d’événement et pensons y assister un de ces jours, ce genre de défilé est certainement un puits d’inspirations. Crédits photo : black fashion week.



Nous obtenons donc une confrontation, une superposition de ces deux grandes tendances, tant chez l’homme que chez la femme, tant chez les grandes maisons de luxe (qui souhaitent garder un esprit avant-gardiste ou créateur tout en restant un minimum commercial) que chez les plus grandes chaînes textiles qui souhaitent proposer un vestiaire lissé, commercial, tout en gardant une identité et un univers qui “collent” à la tendance du moment.

Le cas particulier du kimono

Le kimono est apparu au 19ème siècle en France, avec le mouvement impressionniste, qui redécouvre le Japon. Les caractéristiques du kimono (kiru et mono, littéralement « chose que l’on porte sur soi ») demeurent relativement simples : il a une forme en T, des manches particulièrement évasées (qui peuvent surprendre au premier abord, on préférera les replier, chez l’homme, pour gagner en virilité), il possède des pans croisés, et une ceinture, appelée obi.


Il a d’abord été porté comme vêtement d’intérieur par l’aristocratie japonaise – il peut toujours être utilisé comme tel, vendu chez Muji par exemple – jusqu’au XVIème siècle. Par la suite, il se démocratise, tant chez l’homme que chez la femme, jusqu’en 1868, lorsque l’empereur Meiji contraint les hommes (les policiers, les agents des transports publics et les professeurs) à porter la costume occidental. Pour rappel, le japon a connu de grandes périodes d’isolement, puis de réouverture (plus ou moins forcée), jusqu’à l’acceptation totale des codes occidentaux.

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Le 16 septembre dernier, le magasin Kiliwatch (une friperie), situé dans le Marais, organisait une soirée spéciale dédiée au kimono. Crédits photo Nadinetvous>


Aujourd’hui, le kimono traditionnel est porté lors de grandes cérémonies, notamment chez les femmes. Il existe un grand nombre de kimonos différents, suivant les occasions ou le statut social de l’individu : le Kurotomesode, noir, est par exemple utilisé par les femmes mariées, le yukata (c’est celui qui se rapproche le plus du kimono porté en occident) est beaucoup plus informel, et peut être porté par homme, femme et enfant (sans doublure, confectionné en coton mais aussi en lin et en chanvre). Chaque kimono est donc porteur de signification, et ne se porte que dans certaines circonstances. On note qu’il est généralement accompagné d’un grand nombre d’accessoires (une dizaine chez la femme, cinq chez l’homme).


Cependant, comme nous le verrons par la suite, le kimono a été adapté et réinterprété par les créateurs occidentaux : par goût de l’exotisme, parce que le kimono est particulièrement facile et agréable à porter, et enfin parce qu’il est très facile de le réinterpréter : en ajoutant des accessoires, des motifs, en jouant sur la coupe, sur les manches ; il semble particulièrement facile de donner sa propre vision du kimono, tout en restant dans les “normes” de ce qui est portable (ou non).

Le kimono sur les podiums

Le kimono est arrivé il y a quelques saisons de manière inattendue sur les podiums – et bientôt dans nos armoires. Il est revenu en force à partir des défilés de 2013, pour la saison printemps/été 2014 notamment. En ce sens, on peut citer l’exemple de Valentino et de son défilé printemps/été 2014 haute couture.

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Valentino haute couture, printemps/été 2014. On cite souvent Valentino comme le précurseur de l’arrivée du kimono. Il est ici réinterprété de manière très luxueuse, mais le plus connu, lors de ce défilé, est le kimono à fleurs.



On pourra également citer Isabel Marrant.

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Printemps/été 2015, prêt-à-porter, Isabel Marant. Les franges étaient également présentes dans tous les défilés pour 2014 ; ajoutons-y le revival “années 70’s” et l’on obtient un assez bon condensé de la tendance femme 2014 puis 2015.



Et enfin Dries Van Noten, qui est pour moi un vrai coup de coeur, tant chez la femme que chez l’homme.

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Dries Van Noten printemps été 2014



Chez la femme, il est parfois suggéré (on utilise la ceinture et les manches très amples par exemple, mais dans un seul pan), parfois plus assumé, mais il est toujours flou : il permet de jouer des lignes et surtout des motifs (si chers à DVN), qui sont souvent féminins, mais presque jamais masculins.


Nous traiterons prochainement de Dries Van Noten dans un article sur les 6 d’Anvers, je rappellerais seulement que la Belgique est un pays de commerce, où de nombreux voyageurs se sont croisés des siècles et des siècles durant, apportant avec eux leurs cultures, leurs goûts : Dries Van Noten est certainement un héritier direct de cette confrontation des cultures. Dans son défilé homme automne/hiver 2014-2015, DVN joue des codes et propose des kilts qui côtoient des veste matelassées aux origines asiatiques certaines.
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Pour la collection printemps/été 2016, le kimono se fait souple, à motifs : il est léger à porter, dans tous les sens du terme.
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Hors défilé, on assiste à un raz-de-marée de nombreuses déclinaisons/copies de la part de tous les géants du secteur, surtout chez la femme. Nous constatons un attrait logique pour cette pièce à la fois “exotique” et très facile à porter.


À la mi-saison, le kimono se portera de manière légère, comme une veste ou un cardigan avec un jean et un tee-shirt. Lorsque les températures chutent, il est très facile de troquer son kimono en coton contre un kimono en laine, plus lourd.

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Kimono Dries Van Noten homme, 350 euros. Crédits photo : thecorner.com.



Quoiqu’il en soit, c’est une pièce parfaite pour tous ceux qui souhaitent sortir des sentiers battus tout en gardant un certain clacissisme en terme de couleur – il est facile de trouver des kimonos unis. Pour ceux qui souhaiteraient vraiment aller plus loin et porter des pièces plus poussées, le kimono, dans des matières exceptionnelles, ou bien couvert d’imprimés, est une vraie pièce forte, confortable, et encore aujourd’hui, très peu vue au quotidien.


nous avons terminé notre petit tour du kimono : nous avons fait un point historique et nous avons observer son retour en force auprès des créateurs occidentaux. S’il a déjà envahi les garde-robes féminines, nul doute qu’il y a encore de la place pour son entrée dans le vestiaire masculin, quoique plus classique.


En fin de semaine, nous enverrons via la newsletter un article sur le marché de l’occasion : abonnez-vous !

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Adrien

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